Gros plan sur l'oeil d'un chat

L’herpès virus du chat

L’Herpesvirus est un agent infectieux très important en pathologie respiratoire féline, particulièrement présente en refuges et en chatteries où la prophylaxie sanitaire de base est plus difficile. Il a été isolé pour la première fois en 1957. Virus spécifique du chat, il est responsable de la rhino-trachéite infectieuse. Cette affection se caractérise par des lésions oculaires associées à des signes respiratoires. Plus communément, on parle plutôt de « coryza ».
La transmission du virus d’un animal à l’autre se fait par les sécrétions respiratoires qui sont virulentes pendant une à trois semaines après l’infection. Le virus pénètre par voie nasale, buccale et conjonctivale. La contamination des chatons par la mère se fait en période post-natale : il n’existe pas de transmission par le placenta. L’extrême contagiosité et la sensibilité des chatons à l’infection rend aussi possible la participation d’un autre chat.
La contamination indirecte par le personnel soignant et le matériel est possible, mais peu fréquente du fait de la fragilité du virus dans le milieu extérieur. Il est, de plus, sensible à la plupart des désinfectants (javel, ammonium quaternaire, éther,…).
L’infection se caractérise par des phénomènes de latence et de résurgence, c’est-à-dire que 80% des chats convalescents d’une rhino-trachéite infectieuse restent porteurs chroniques. La ré-excrétion virale survient naturellement à la faveur d’un stress, comme la mise en pension, l’hospitalisation, le transport, la mise-bas ou la lactation, la période de sevrage chez le chaton de cinq à sept semaines d’âge, la maladie, les interventions chirurgicales, la corticothérapie… Elle est la principale source de dissémination du virus.

MANIFESTATIONS CLINIQUES

Elles sont variables en fonction de l’âge de l’animal et apparaissent après une incubation de 2 à 10 jours. Chez certains sujets, l’herpès virus peut être à l’origine de rhinites et sinusites chroniques. Chez la chatte gestante, on peut s’attendre à des avortements ou des résorptions fœtales.
Chez le chaton, durant le 1er mois de vie, les signes généraux sont très marqués (fièvre, abattement, refus de manger, déshydratation…). La mortalité est souvent élevée.
Les signes respiratoires se manifestent par un écoulement nasal plus ou moins purulent, des éternuements, une toux forte due à la trachéite. Parfois, on observe des complications de pneumonie ou de broncho-pneumonie.
L’atteinte oculaire, grave, est bilatérale : la conjonctivite devient rapidement purulente à cause des surinfections bactériennes qui s’étendent à la cornée.
Le fort pouvoir de cicatrisation de la conjonctive est responsable de la formation d’adhérences qui oblitèrent partiellement ou totalement la fente palpébrale. On parle de « symblépharon ». Ces séquelles sont assez caractéristiques de l’herpès virose.
Chez les chatons âgés de 1 à 6 mois, les signes généraux et respiratoires sont plus discrets. Les signes oculaires le sont également, l’atteinte cornéenne étant très rare. La grande majorité des animaux guérissent mais on sait que 80% de ces chatons atteints restent porteurs sains du virus.
Le déclin des anticorps transmis par le lait maternel se fait entre la sixième et la huitième semaine, période durant laquelle le chaton apparaît très vulnérable.
Chez les chats adultes, les signes respiratoires sont quasi inexistants. Au niveau oculaire, on observe une kérato-conjonctivite : à la rougeur des conjonctives est associée une atteinte cornéenne sous la forme de vaisseaux et d’ulcères qui apparaissent à sa surface. Elle prend une couleur grisâtre. Les lésions sont liées à la multiplication du virus dans la cornée.
Les rechutes : Elles sont très fréquentes chez les chats adultes cliniquement guéris, et souvent unilatérales. Elles sont liées à la réactivation du virus plusieurs semaines à plusieurs mois après. Chez les porteurs chroniques, les signes respiratoires sont souvent absents.
L’atteinte cornéenne (sous la forme déjà décrite) et la conjonctivite unilatérale constituent les symptômes observés le plus couramment. La cicatrisation s’accompagne d’opacités cornéennes. Dans certains cas, des phénomènes immunitaires peuvent exister.

Diagnostic clinique

En fonction du mode de vie, de l’âge du chat de race et de ses antécédents, il semble facile à établir en se rapportant aux signes cliniques, mais on ne peut, en particulier dans les formes observées chez l’adulte, affirmer avec certitude la présence effective de l’herpès virus.
De plus, plusieurs agents infectieux sont responsables de ce qu’on appelle un « coryza » chez le chat : l’herpès virus mais aussi le calicivirus (ils sont responsables à eux deux de 80% à 90% des « coryzas »), ainsi qu’une bactérie appartenant au genre des chlamydies. Ce sont les trois agents infectieux les plus courants.
Cliniquement, il est souvent difficile de distinguer quelle est la part de chacun d’entre eux, d’autant plus qu’ils peuvent être associés.

Herpès Calicivirus Chlamydiose
Syndrome fièvre +++ + +
Eternuements +++ + +
Conjonctivite ++ ++ +++
Ecoulement oculaire +++ ++ +++
Jetage nasal +++ ++ +
Ulcères buccaux + +++
Atteinte cornéenne +
Salivation ++

Des examens de laboratoire sont alors nécessaires pour diagnostiquer l’herpès virose.

Examens complémentaires

L’examen de cellules conjonctivales ou cornéennes sous microscope est souvent décevant car les particularités de ‘atteinte virale sont très difficiles à observer.
Des tests sérologiques (prise de sang) sont eux aussi peu satisfaisants surtout sur les chats porteurs sains.
Le plus intéressant aujourd’hui est la recherche du virus par des techniques dérivées de la P.C.R. (Polymerase Chain Reaction) qui permettent sa mise en évidence directe, sans que la vaccination n’interfère sur le résultat.
Le test se fait après prélèvement de cellules conjonctivales à l’aide d’une petite brosse ou sur une biopsie de cornées ou de conjonctive. Un prélèvement peut aussi être effectué au niveau des amygdales. Il est ensuite envoyé à un laboratoire spécialisé qui fait alors le diagnostic.

Traitement

Traitement général

Il est impératif chez de jeunes animaux (alimentation de soutien, réhydratation, antibiotiques, fluidifiants des sécrétions respiratoires, sérothérapie…).
Lorsque le chat présente de grandes difficultés respiratoires, les inhalations sont une voie d’administration complémentaire intéressante pour les médicaments.

Traitement local

Les soins locaux sont destinés à empêcher l’obstruction des cavités nasales et l’apparition d’une conjonctivite suppurée.
Le nettoyage fréquent des yeux à l’aide de solutions à usage oculaire précède l’instillation de collyre ou l’application de gels adaptés en fonction des complications oculaires observées (antibiotiques, anti-viraux, substituts des larmes…).

Prévention

La prévention de la maladie est d’ordre sanitaire et médical.

Mesures sanitaires

Elles ont une efficacité limitée en raison de l’impossibilité pratique d’écarter avec certitude les animaux porteurs sains. Les grandes mesures sanitaires en collectivités félines sont les suivantes :

  • Désinfection des locaux, du matériel, des mains et des bottes du personnel,
  • Séparer les animaux qui présentent des troubles respiratoires,
  • N’introduire de nouveaux animaux qu’après une quarantaine de trois semaines, au cours de laquelle on réalise les dépistages et les vaccinations,
  • Isoler les femelles gestantes plus de trois semaines avant la mise-bas afin d’éviter tout stress qui produirait une ré-excrétion virale, et limiter les contacts entre les très jeunes chatons et des chats adultes porteurs chroniques.
  • Sevrer les chatons de façon précoce (4-5 semaines), surtout si la femelle est porteuse chronique.

Mesures médicales

La vaccination contre l’herpès virose induit une immunité spécifique. Elle est largement conseillée même si elle ne protège qu’imparfaitement : elle n’empêche ni les infections, ni les ré-infections mais réduit toutefois les signes cliniques.

Différents types de vaccins sont actuellement disponibles :

  • Les vaccins vivants atténués qui protègent vite et longtemps. Ils sont contre-indiqués chez la femelle gestante et les animaux affaiblis par des maladies intercurrentes.
  • Les vaccins inactivés qui nécessitent deux injections de primo-vaccination pour être pleinement efficaces. L’immunité conférée serait moins durable. Leur parfaite innocuité les rend tut indiqués pour une utilisation en collectivité.

En chatterie de garde, on conseillera une injection de rappel avant l’introduction du chat dans la collectivité. Ce protocole ne permet pas cependant d’éviter l’introduction d’un animal porteur sain. Les mesures sanitaires dans ce genre d’établissement sont importantes. Il faut recommander le logement individuel et la désinfection régulière.
En chatterie d’élevage, tous les animaux doivent être vaccinés annuellement. Les chatons sont vaccinés entre 8 et 12/13 semaines d’âge. Si le coryza sévit à l’état endémique, les chatons sont séparés de la mère à 4/5 semaines d’âge et tenus isolés jusqu’à la 16e semaine.

C. GENEVOIS-CARDIN
Docteur Vétérinaire,
diplômée du cours d’ophtalmologie de l’Ecole de Maisons-Alfort